Mais qui est Louise Glück, Nobel de littérature 2020 ?
Un jury unanime consacre la poète américaine devant les favoris. Discrète et non traduite en français (hors revues), « Le Point » vous propose deux de ses poèmes.
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Mais qui est Louise Glück, Nobel de littérature 2020 ?
Un jury unanime consacre la poète américaine devant les favoris. Discrète et non traduite en français (hors revues), « Le Point » vous propose deux de ses poèmes.
Une nouvelle fois, ils ont déjoué les paris. Exit les favori(t)es Joyce Carol Oates, Margaret Atwood ou Annie Ernaux, c'est Louise Glück, poète plutôt discrète, non traduite en français hors revues, qui a été choisie. Louise Glück ? Il faut saluer les revues de poésie en France et notamment Po&sie qui donne à lire L'Iris sauvage, traduit par Marie Olivier, de cette poète américaine que les membres de l'Académie Nobel viennent de consacrer à l'unanimité. Elle est une figure essentielle dans le paysage de la poésie américaine contemporaine de ces quarante dernières années. Autrice de Firstborn, (1968) de Descending Figure (1980), elle a déjà remporté le prix Pulitzer pour The Wild Iris en 1993, et le National Book Award pour Faithful and Virtuous Night en 2014.
Ce 113e prix Nobel de littérature devait être celui de l'apaisement après les dernières années tumultueuses, et les prix 2017 et 2019 décernés à Peter Handke et OlgaTokarczuk. Dans l'atmosphère particulière de cette édition en période de Covid, les Nobel n'ont toutefois pas oublié l'Amérique, en portant haut et loin de son président actuel la littérature anglo-saxonne, et plus encore rappelé le rôle la poésie. Ci dessous, deux des poèmes de Louise Glück.
L'IRIS SAUVAGE
Au bout de ma douleur
il y avait une porte.
Écoute-moi bien : ce que tu appelles la mort,
je m'en souviens.
En haut, des bruits, le bruissement des branches de pin.
Puis plus rien. Le soleil pâle
vacilla sur la surface sèche.
C'est une chose terrible que de survivre
comme conscience
enterrée dans la terre sombre.
Puis ce fut terminé : ce que tu crains, être
une âme et incapable
de parler prenant brutalement fin, la terre raide
pliant un peu. Et ce que je crus être
des oiseaux sautillant dans les petits arbustes.
Toi qui ne te souviens pas
du passage depuis l'autre monde
je te dis que je pouvais de nouveau parler : tout ce qui
revient de l'oubli revient
pour trouver une voix :
du centre de ma vie surgit
une grande fontaine, ombres
bleu foncé sur eau marine azurée
Ou encore
CHANT
Comme un cœur protégé,
la fleur
rouge sang
de la rose sauvage commence
à éclore à la branche la plus basse,
soutenue par la masse
nidifiée d'un gros buisson :
elle fleurit sur l'ombre,
toile de fond
perpétuelle du cœur,
alors que les fleurs
plus en hauteur se sont flétries ou ont moisi ;
pour survivre,
l'adversité
approfondit simplement
sa couleur. Mais John
n'est pas d'accord : il pense que
si ce n'était pas un poème mais
un vrai jardin, alors
la rose rouge ne devrait
pouvoir ressembler à
rien d'autre, ni à
une autre fleur, ni à
un cœur ombragé dont
le pouls bat, au niveau du sol,
tantôt bordeaux, tantôt cramoisi.
(Traduction Marie Olivier, pour la revue Po&sie)
Par Valérie Marin La Meslée, Sophie Pujas